8e escadron de chasse de la 2e escadre de chasse
Event ID: 119
16 mars 1916
Source ID: 4
« Notre activité devant Verdun durant l’été 1916 a été perturbée par de fréquents orages. Il n’y a rien de plus désagréable pour un aviateur que de devoir traverser un orage. Pendant la bataille de la Somme, par exemple, toute une escadrille anglaise a atterri derrière nos lignes parce qu’elle a été surprise par un orage. Il a été fait prisonnier. Je n’avais jamais essayé de voler à travers un orage et je n’ai pas pu m’empêcher d’essayer. Il y avait une véritable ambiance orageuse dans l’air toute la journée. J’avais quitté l’aéroport de Mont pour me rendre à Metz, tout près, afin d’y effectuer quelques démarches. Voici ce qui s’est passé lors de mon vol de retour : J’étais à l’aérodrome de Metz et je voulais rentrer à mon aéroport. Alors que je sortais ma machine du hangar, les premiers signes d’un orage imminent se sont fait sentir. Le vent frisait le sable et un mur noir de jais s’approchait du nord. De vieux pilotes expérimentés m’ont vivement déconseillé de voler. Mais j’avais promis de venir et il m’aurait semblé effrayant de ne pas venir à cause d’un orage stupide. Alors, j’ai mis les gaz et j’ai essayé ! Dès le départ, il s’est mis à pleuvoir. J’ai dû jeter mes lunettes pour pouvoir voir quelque chose. Le pire, c’est que je devais traverser les montagnes de la Moselle, dans les vallées desquelles l’orage grondait. Je me disais : « Allez-y, ça va marcher », et je m’approchais de plus en plus du nuage noir qui descendait jusqu’à la terre. Je volais aussi bas que possible. Je devais parfois sauter par-dessus les maisons et les rangées d’arbres. Je ne savais plus où j’étais depuis longtemps. La tempête s’est emparée de mon appareil comme d’un morceau de papier et l’a poussé devant elle. J’avais le cœur un peu plus bas. Je ne pouvais plus atterrir dans les montagnes, il fallait donc tenir bon. Autour de moi, c’était le noir, en dessous les arbres se courbaient dans la tempête. Soudain, une hauteur boisée s’est dressée devant moi. Je devais m’en approcher, mon bon albatros y parvint et me fit passer au-dessus. Je ne pouvais plus voler que tout droit ; chaque obstacle qui se présentait devait être franchi. C’était un concours de sauts au-dessus des arbres, des villages, surtout des clochers et des cheminées, car je ne pouvais voler qu’à cinq mètres de hauteur pour voir quelque chose dans le nuage noir de l’orage. Autour de moi, les éclairs crépitaient. Je ne savais pas encore que la foudre ne pouvait pas frapper l’avion. Je croyais avoir une mort certaine devant moi, car la tempête devait me jeter dans un village ou dans une forêt à la prochaine occasion. Si le moteur s’était arrêté, c’en était fait de moi. Tout à coup, je vis devant moi un point lumineux à l’horizon. L’orage s’arrêta là ; si j’atteignais ce point, j’étais sauvé. Rassemblant toute l’énergie qu’un jeune homme imprudent peut avoir, je me suis dirigé vers lui. Soudain, comme si j’avais été arraché du nuage orageux, je volais encore sous une pluie battante, mais je me sentais en sécurité. Toujours sous une pluie battante, j’ai atterri dans mon port d’attache, où tout m’attendait déjà, car la nouvelle était déjà parvenue de Metz que j’avais disparu dans un nuage d’orage, en direction de cette ville. Jamais plus, à moins que ma patrie ne me le demande, je ne traverserai un orage. Tout est beau dans le souvenir, il y a donc eu là aussi de beaux moments que je ne voudrais pas manquer dans ma vie d’aviateur ».
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