09 novembre 1916
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« Le Huit Huit était un chiffre tout à fait décent à l’époque de Boelcke. Aujourd’hui, quiconque entend parler des chiffres colossaux des abattages doit être convaincu que l’abattage est devenu plus facile. Je ne peux lui assurer qu’une chose, c’est que cela devient de plus en plus difficile de mois en mois, voire de semaine en semaine. Bien sûr, les occasions d’abattre sont plus fréquentes, mais malheureusement, la possibilité d’être abattu soi-même augmente également. L’armement de l’adversaire s’améliore et son nombre augmente. Lorsque Imelmann a tiré son premier, il a même eu la chance de trouver un adversaire qui n’avait pas de mitrailleuse. Aujourd’hui, on ne trouve plus que des lapins de ce genre au-dessus de Johannisthal. Le 9 novembre 1916, je volais contre l’ennemi avec mon petit camarade de combat, Imelmann, âgé de dix-huit ans. Nous étions ensemble dans l’escadron de chasse Boelcke, nous nous connaissions déjà auparavant et nous nous étions toujours très bien entendus. La camaraderie, c’est ce qui compte. Nous sommes partis. J’en avais déjà sept, Imelmann cinq. Pour l’époque, c’était beaucoup. Nous sommes au front depuis très peu de temps, quand nous voyons un escadron de bombardement. Il arrive avec beaucoup [100] d’audace. Ils reviennent en grand nombre, bien sûr, comme toujours pendant la bataille de la Somme. Je crois que l’escadron en comptait entre quarante et cinquante, je ne peux pas donner de chiffre exact. Ils avaient choisi une cible pour leurs bombes pas très loin de notre aéroport. Peu avant l’objectif, j’ai atteint le dernier ennemi. Mes premiers tirs ont probablement mis le mitrailleur de l’avion ennemi hors de combat et ont sans doute aussi un peu chatouillé le pilote, qui a en tout cas décidé d’atterrir avec ses bombes. Je lui en ai encore brûlé quelques-unes sur le ventre, ce qui a augmenté un peu la vitesse à laquelle il cherchait à atteindre la terre, car il s’est écrasé et est tombé tout près de notre aéroport de Lagnicourt. Au même moment, Imelmann était également engagé dans un combat avec un Anglais et avait également abattu un adversaire, toujours dans la même région. Nous rentrons rapidement à la maison pour voir nos avions abattus. Nous roulons en voiture jusqu’à proximité de mon adversaire et devons ensuite marcher très longtemps dans un champ profond. Il faisait très chaud, alors j’ai tout déboutonné, même ma chemise et mon col. J’ai enlevé ma veste, j’ai laissé ma casquette dans la voiture, mais j’ai pris un grand bâton à nœuds et mes bottes [101] étaient pleines de boue jusqu’aux genoux. J’avais donc l’air d’un désert. C’est ainsi que je me rapproche de ma victime. Bien sûr, une foule de gens s’est déjà amassée tout autour. Un groupe d’officiers se tient un peu à l’écart. Je m’approche d’eux, les salue et demande au premier d’entre eux s’il ne pourrait pas me raconter à quoi ressemblait le combat aérien, car cela intéresse toujours beaucoup après d’apprendre de la part des autres, qui ont regardé d’en bas, à quoi ressemblait le combat aérien. J’apprends alors que les Anglais ont lancé des bombes et que cet avion avait encore ses bombes sur lui. Le monsieur en question me prend par le bras, se dirige vers le groupe des autres officiers, me demande encore rapidement mon nom et me présente à ces messieurs. Je n’étais pas à l’aise, car, comme je l’ai dit, j’avais un peu dérangé ma toilette. Et les messieurs à qui j’avais à faire avaient tous l’air d’être habillés de façon très chic. On m’a présenté à une personnalité qui ne me semblait pas très à l’aise. Un pantalon de général, une médaille qui lui sortait du cou, mais un visage relativement jeune, des épaulettes indéfinissables – bref, je flairai quelque chose d’extraordinaire, boutonnai mon pantalon et mon col au cours de la conversation et adoptai une forme un peu plus militaire. Je ne savais pas qui c’était. Je prends [102] à nouveau congé, je rentre chez moi. Le soir, le téléphone sonne et j’apprends que c’est Son Altesse Royale le Grand-Duc de Saxe-Kobourg-Gotha. On m’ordonne de le rejoindre. On savait que les Anglais avaient l’intention de bombarder son état-major. J’aurais ainsi contribué à tenir les assassins à distance de lui. Pour cela, j’ai reçu la médaille du courage de Saxe-Cobourg-Gothais. Elle me fait plaisir à chaque fois que je la vois ».
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