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MvR s’envole pour le QG pour rencontrer le Kaiser Guillaume II, Ludendorff et Hindenburg

Event ID: 207

01 mai 1917

49.837291383185374, 7.852933158611976
Hotel Oranienhof
Bad Kreuznach

Source ID: 4

Der rote Kampfflieger von Rittmeister Manfred Freiherrn von Richthofen, 1917, 351.000 - 400.000, Verlag Ullstein & Co, Berlin-Wien

« Vol vers la patrie Cinquante sont abattus. Cinquante-deux, c’était mieux. C’est pourquoi j’en ai abattu deux de plus le même jour. C’était en fait contraire au rendez-vous. En fait, on ne m’avait accordé que quarante et un ; tout le monde peut deviner pourquoi le chiffre de quarante et un est sorti, mais c’est justement pour cela que je voulais absolument l’éviter. Je ne suis pas un travailleur de records, d’ailleurs dans la troupe d’aviation, tous les records sont loin de nous. On ne fait que remplir son devoir. Boelcke en aurait abattu une centaine s’il ne lui était pas arrivé malheur. Et bien d’autres de nos bons camarades tombés au champ d’honneur auraient pu atteindre un tout autre chiffre, si leur mort subite ne les en avait empêchés. Mais un demi-million, c’est quand même amusant. J’ai finalement réussi à en obtenir cinquante avant de partir en permission. J’espère que je pourrai encore fêter mon deuxième cinquantième. Le soir même, la sonnette retentit et ce n’est rien de moins que le « Grand Quartier Général » qui souhaite me parler. Je me sentais tout à fait amusé d’être ainsi relié à la « Grande Maison ». Je reçus entre autres la bonne nouvelle que Sa Majesté avait exprimé le souhait de me parler personnellement, et que le jour était tout de suite annoncé : le 2 mai. Or, cela s’est produit dès le 30 avril, à neuf heures du soir. Avec le train, il n’aurait plus été possible de répondre au souhait du Très-Haut Seigneur de la Guerre. J’ai donc préféré, ce qui est aussi beaucoup plus beau, effectuer le voyage par voie aérienne. Le lendemain matin, le départ fut donné, non pas dans mon monoplace « Le petit rouge », mais dans un grand et gros biplace. Je m’installai à l’arrière, c’est-à-dire pas au « manche ». Dans ce cas, c’est le lieutenant Krefft, également l’un des hommes de mon escadron de chasse, qui devait travailler. Il partait justement en permission, c’était donc parfait. Il rentrait ainsi plus vite chez lui. Il n’était pas antipathique. Mon départ a été un peu précipité. Je ne pouvais rien emporter d’autre dans l’avion que ma brosse à dents, j’ai donc dû m’habiller tout de suite comme je devais me présenter au Grand Quartier Général. Et sur le terrain, le soldat militaire n’a pas beaucoup de beaux vêtements, en tout cas pas un pauvre cochon du front comme moi. Mon frère a pris la tête de l’escadron. Je fis de brefs adieux, car j’espérais pouvoir bientôt reprendre mon activité en compagnie de ces chères personnes. Le vol passa alors par Liège, Namur, Aix-la-Chapelle et Cologne. C’était tout de même agréable de naviguer ainsi à travers l’océan aérien sans pensées belliqueuses. Il faisait un temps magnifique, comme nous n’en avions pas eu depuis longtemps. Il est certain qu’aujourd’hui, il y avait beaucoup à faire sur le front. Bientôt, nos propres ballons captifs ne seront plus visibles. Toujours plus loin du tonnerre des batailles d’Arras. Au-dessous de nous, des images de paix. Des bateaux à vapeur en marche. Là, un train D file à travers le terrain, nous le dépassons en jouant. Le vent nous est favorable. La terre nous semble aussi plate qu’une aire de battage. Les belles montagnes de la Meuse ne sont pas reconnaissables en tant que montagnes. On ne les reconnaît même pas à leur ombre, car le soleil est presque à la verticale. On sait seulement qu’elles sont là, et avec un peu d’imagination, on peut même se glisser dans leurs gorges fraîches. Il était tout de même un peu tard, et nous sommes donc arrivés à l’heure du déjeuner. Une couche de nuages s’amoncelle sous nos pieds et cache complètement la terre. Nous continuons à voler en nous orientant au soleil et à la boussole. La proximité de la Hollande nous devient peu à peu antipathique et nous préférons reprendre contact avec le sol. Nous passons sous les nuages et nous nous trouvons au-dessus de Namur. Nous continuons maintenant vers Aix-la-Chapelle. Nous laissons Aix-la-Chapelle sur notre gauche et arrivons à Cologne à l’heure du déjeuner. Dans notre avion, l’ambiance était au beau fixe. Nous avions devant nous une longue permission, en plus du beau temps, de la réussite d’avoir au moins atteint Cologne et de la certitude que, même s’il nous arrivait quelque chose maintenant, nous pourrions quand même atteindre le Grand Quartier Général. On nous avait annoncé notre arrivée à Cologne par télégramme, nous y étions donc attendus. La veille, ma cinquante-deuxième victoire aérienne avait été publiée dans le journal. L’accueil fut le même. Après trois heures de vol, j’avais quelques bourdonnements dans le crâne et j’ai préféré faire une petite sieste avant d’arriver au Grand Quartier Général. Nous avons volé depuis Cologne sur une bonne partie du Rhin. Je connaissais le trajet. Je l’avais souvent parcourue, en bateau à vapeur, en voiture et en train, et maintenant en avion. Qu’est-ce qui était le plus beau ? C’est difficile à dire. Bien sûr, on voit mieux certains détails depuis le bateau à vapeur. Mais la vue d’ensemble depuis l’avion n’est pas non plus à dédaigner. Le Rhin a un charme particulier, même vu d’en haut. Nous n’avons pas volé trop haut pour ne pas perdre complètement la sensation de montagne, car c’est sans doute ce qu’il y a de plus beau sur le Rhin, les immenses hauteurs boisées, les châteaux, etc. Nous n’avons bien sûr pas pu voir les différentes maisons. C’est dommage qu’on ne puisse pas voler lentement et rapidement. J’aurais certainement choisi la vitesse la plus lente. Les belles images disparaissaient trop vite les unes après les autres. Quand on vole plus haut, on n’a pas l’impression d’avancer très vite. Dans une voiture ou un train D, par exemple, la vitesse semble énorme, alors que dans un avion, elle est toujours lente quand on a atteint une certaine altitude. On ne s’en rend compte que lorsqu’on n’a pas regardé dehors pendant cinq minutes et que l’on reprend tout d’un coup ses repères. L’image que l’on avait dans la tête quelques instants auparavant est alors complètement modifiée. Ce que l’on voyait en dessous de soi, on le voit tout à coup sous un angle qui n’est pas du tout reconnaissable. C’est pour cela que l’on peut si vite se tromper si l’on ne fait pas attention un instant. C’est ainsi que nous sommes arrivés dans l’après-midi au Grand Quartier Général, chaleureusement accueillis par quelques camarades que je connais et qui doivent y travailler dans la « grande baraque ». Je les plains beaucoup, les espions à encre. Ils n’ont que la moitié du plaisir de la guerre. J’ai commencé par me présenter au général commandant les forces aériennes. Le lendemain matin, le grand moment où je devais être présenté à Hindenburg et Ludendorff se produisit. Je dus attendre un bon moment. Je ne peux pas vraiment écrire ce que fut l’accueil en détail. Je me suis d’abord présenté à Hindenburg, puis à Ludendorff. C’est un sentiment étrange dans cette pièce où se décide le sort de la Terre. J’étais donc bien content d’avoir quitté le « Grand Bâtiment » et d’avoir été ordonné à midi pour le petit déjeuner chez Sa Majesté. C’était mon anniversaire, et quelqu’un l’avait probablement dit à Sa Majesté, qui m’a donc félicité. Une fois pour mon succès, une autre fois pour mes vingt-cinq ans. Un petit cadeau d’anniversaire m’a également surpris. Avant, je n’aurais sans doute jamais imaginé que le jour de mon vingt-cinquième anniversaire, je serais assis à la droite de Hindenburg et que le maréchal général me mentionnerait dans un discours ».

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