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Comment j’ai entendu pour la première fois les balles siffler en patrouille

Event ID: 96

21 août 1914

21 - 22 August 1914
49.62645747709669, 5.5135554985259585
Wald bei Virton
Meix-devant-Virton

Source ID: 4

Der rote Kampfflieger von Rittmeister Manfred Freiherrn von Richthofen, 1917, 351.000 - 400.000, Verlag Ullstein & Co, Berlin-Wien

« J’avais pour mission de déterminer l’importance de l’occupation d’une grande forêt près de Virton. Je suis parti avec quinze ulans et j’ai compris que c’était aujourd’hui le premier choc avec l’ennemi. Ma mission n’était pas facile, car une telle forêt peut contenir beaucoup de choses sans qu’on les voie. J’arrivai sur une hauteur. A quelques centaines de pas devant moi se trouvait un immense complexe forestier de plusieurs milliers d’acres. C’était une belle matinée d’août. La forêt était si paisible et calme que l’on ne ressentait plus aucune pensée belliqueuse. La pointe s’approchait maintenant de l’entrée de la forêt. A travers la vitre, on ne pouvait rien voir de suspect, il fallait donc s’approcher et attendre de voir si on allait avoir du feu. La pointe a disparu dans le chemin forestier. J’étais le plus proche, à côté de moi chevauchait un de mes plus valeureux ulans. A l’entrée de la forêt se trouvait une petite maison isolée de garde forestier. Nous la dépassâmes à cheval. Tout à coup, un coup de feu partit d’une fenêtre de la maison. Tout de suite après, un autre [32]. A la détonation, je reconnus immédiatement qu’il ne s’agissait pas d’un coup de fusil, mais qu’il provenait d’une arme à feu. Au même moment, j’ai vu du désordre dans ma patrouille et j’ai tout de suite soupçonné une attaque de francs-tireurs. Descendre des chevaux et encercler la maison était une chose. Dans une pièce un peu sombre, j’ai reconnu quatre ou cinq gars aux yeux hostiles. Bien sûr, il n’y avait pas de fusil. Ma colère était grande à ce moment-là, mais je n’avais jamais tué personne de ma vie et je dois dire que j’étais extrêmement mal à l’aise. En fait, j’aurais dû abattre le franc-tireur comme une bête. Il avait tiré une charge de chevrotine dans le ventre d’un de mes chevaux et blessé un de mes ulans à la main. Avec mon français approximatif, j’ai crié à la bande et les ai menacés de tous les abattre si le coupable ne se présentait pas immédiatement. Ils comprirent que j’étais sérieux et que je n’hésiterais pas à passer de la parole à l’acte. Aujourd’hui, je ne sais plus comment les choses se sont passées. En tout cas, les francs-tireurs étaient sortis d’un coup par la porte arrière et avaient disparu de la surface de la terre. J’ai tiré après eux, sans les toucher. Par chance, j’avais encerclé la maison, de sorte qu’ils ne pouvaient pas m’échapper. [Je fis immédiatement fouiller la maison à leur recherche, mais je n’en trouvai aucun. Les gardes derrière la maison n’avaient-ils pas fait attention, en tout cas toute la maison était vide. Nous avons trouvé la chevrotine à la fenêtre et nous avons dû nous venger d’une autre manière. En cinq minutes, toute la maison était en feu. Après cet intermède, nous avons continué. Aux traces fraîches des chevaux, j’ai compris que la cavalerie ennemie devait être en marche juste devant nous. Je m’arrêtai avec ma patrouille, l’encourageai par quelques mots et eus le sentiment que je pouvais absolument compter sur chacun de mes gars. Chacun d’entre eux, je le savais, tiendrait son rang dans les minutes à venir. Bien sûr, personne ne pensait à autre chose qu’à une attaque. Il est dans le sang d’un Germain d’écraser l’adversaire où qu’il se trouve, en particulier la cavalerie ennemie. Déjà, je me voyais à la tête de ma troupe en train d’abattre un escadron ennemi et j’étais ivre de joie. Les yeux de mes ulans clignaient. Nous avons donc continué au grand trot sur la piste fraîche. Après une heure de chevauchée à travers les plus belles gorges de la montagne, la forêt s’éclaircit un peu et nous nous approchons de la sortie. Je savais que je tomberais sur l’ennemi. Alors [34]attention ! avec tout l’esprit d’attaque qui m’animait. A droite de l’étroit sentier se trouvait une paroi rocheuse abrupte de plusieurs mètres de haut. A ma gauche, il y avait un étroit ruisseau de montagne, puis une prairie de cinquante mètres de large, bordée de fils de fer barbelés. Tout à coup, la piste des chevaux s’arrêta et disparut dans les buissons en passant sur un pont. Ma pointe s’arrêta, car devant nous, la sortie de la forêt était bloquée par une barricade. Je compris immédiatement que j’étais tombé dans une embuscade. J’ai soudain perçu du mouvement dans les buissons derrière la prairie à ma gauche et j’ai pu distinguer de la cavalerie ennemie en retrait. J’estimai qu’elle était forte d’une centaine de fusils. Il n’y avait rien à vouloir ici. Tout droit, le chemin était barré par la barricade, à droite, il y avait les parois rocheuses, à gauche, la prairie entourée de fils de fer m’empêchait de réaliser mon projet, l’attaque. Il n’y avait plus le temps de s’asseoir pour attaquer l’adversaire avec des mousquetons. Il ne restait donc plus qu’à reculer. J’aurais pu faire confiance à mes bons ulans pour tout, sauf pour s’échapper devant l’ennemi. – Cela devait gâcher le plaisir de plus d’un, car une seconde plus tard, le premier coup de feu claquait, suivi d’un tir rapide et furieux venant de l’autre côté de la forêt. La distance était d’environ cinquante à cent mètres. Les gens avaient reçu l’instruction [35] que si je levais la main, ils devaient me rejoindre rapidement. Maintenant que je savais que nous devions revenir, j’ai levé le bras et fait signe à mes hommes. Ils ont peut-être mal compris. Ma patrouille, que j’avais laissée derrière moi, me crut en danger et arriva en trombe pour me faire sortir. Tout cela s’est déroulé sur un petit chemin forestier, si bien que l’on peut imaginer la pagaille qui s’est produite. Mes deux cavaliers de tête ont vu leurs chevaux s’emballer à cause de l’incendie dans le ravin étroit, où le bruit de chaque coup de feu était décuplé, et je les ai simplement vus prendre la barricade d’un bond. Je n’ai plus jamais entendu parler d’eux. Ils sont certainement en captivité. Quant à moi, j’ai fait demi-tour et, pour la première fois de sa vie sans doute, j’ai donné des éperons à mon bon « antithésis ». Ce n’est qu’à grand-peine que j’ai pu faire comprendre à mes ulans, qui arrivaient en trombe à ma rencontre, qu’ils ne devaient pas aller plus loin. Faites demi-tour et partez ! A côté de moi, mon cavalier chevauchait. Soudain, son cheval est tombé, j’ai sauté par-dessus et d’autres chevaux se sont mis à rouler autour de moi. Bref, c’était la pagaille. Je ne voyais plus de mon gars que sa position sous le cheval, apparemment pas blessé, mais ligoté par le cheval couché sur lui. L’adversaire [36] nous avait brillamment pris par surprise. Il nous avait sans doute observés depuis le début et, comme il est dans l’habitude des Français de tendre des embuscades à leurs ennemis, il avait de nouveau tenté de le faire. J’ai eu la joie de voir, deux jours plus tard, mon gars se présenter devant moi, à moitié nu-pieds, car il avait laissé une de ses bottes sous son cheval. Il me raconta alors comment il s’était échappé : au moins deux escadrons de cuirassiers français étaient sortis plus tard de la forêt pour piller les nombreux chevaux et braves ulans tombés au combat. Il s’était aussitôt relevé, avait escaladé la paroi rocheuse sans être blessé et s’était effondré dans un buisson à cinquante mètres de hauteur, complètement épuisé. Environ deux heures plus tard, après que l’ennemi soit retourné dans son embuscade, il avait pu reprendre sa fuite. C’est ainsi qu’il m’a rejoint quelques jours plus tard. Il n’a pas pu dire grand-chose sur ce qui est arrivé à ses autres camarades ».

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